Voiture de société : l'art de sauver son permis

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Publié le: 26/11/2008 - Mis à jour le: 07/04/2015
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Le véhicule est au nom de l'entreprise ? Le patron prétend ignorer qui le conduisait et il règle l'amende. Aucun point n'est retiré à personne.

QUIMPERLÉ - Au tribunal de police de Quimperlé (Finistère), toujours la même histoire : le patron d'une société « ne sait pas » qui conduisait le véhicule flashé en excès de vitesse. Défilent les cas d'un ambulancier, d'un taxi, d'un industriel de l'agroalimentaire...

« Les employeurs ont tous contesté le procès-verbal, afin que les points ne soient pas retirés sur leur permis de conduire personnel, indique Me Ploux, avocat au barreau de Quimper. Sinon, ils l'auraient perdu depuis bien longtemps. »

Dans le souci d'économiser leurs propres points ou de protéger leurs salariés, des patrons refusent net de révéler qui conduisait. Ils prétendent souvent qu'aucun registre des entrées et sorties de véhicule n'existe dans leur entreprise. Certains profitent aussi d'une faille juridique pour rouler vite en toute impunité.

Le 4x4 Porsche Cayenne voiture de service ?

Un ostréiculteur laisse ainsi le soin à son défenseur d'expliquer - sans rire - que le 4x4 Porsche Cayenne (une « babiole » qui coûte 53 000 € minimum), flashé sur la quatre voies, est utilisé par tous les salariés de ses établissements. « Il vend un produit haut de gamme, relève l'avocat. C'est donc une question d'image vis-à-vis des clients. » Vrai ou faux ? La justice connaît bien ce véhicule. Deux autres affaires le concernant seront examinées la prochaine fois.

Les juges sont dans une impasse : la responsabilité pénale doit se rattacher à une personne. Mais les forces de l'ordre n'obtiennent presque jamais l'identité du conducteur.

Dans ce cas, c'est au propriétaire du véhicule - donc à l'entreprise - de payer l'amende. Les patrons contestent les PV envoyés à leur nom. Ils déposent une consignation équivalente à l'amende, avec l'espoir de récupérer l'argent en cas de relaxe. Leurs avocats tentent de dénicher un motif de nullité. Ou s'appuient sur des jurisprudences favorables : certains tribunaux considèrent que le ministère public, s'il engage des poursuites, doit pouvoir identifier le conducteur. Un magistrat confie, impuissant : « Moins de 10 % des photos prises par les radars le permettent. D'où le sentiment d'impunité développé par certains. »

Il y a des maîtres dans l'art de garder leurs points de permis. Tel ce dirigeant quimpérois. Le cliché du radar permettait de l'identifier. Il a tout de même réfuté l'évidence. Lorsque les gendarmes se sont présentés chez lui, il avait chaussé de grosses lunettes et leur a tendu la carte d'un commercial russe, rencontré dans un salon : « Je lui ai prêté la voiture ce jour-là. Vous pouvez le contacter... » Le Quimpérois n'a jamais été inquiété.

Source : Ouest-France - Frédéric Barillé