Les délits routiers, la routine du tribunal

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Publié le: 23/02/2009 - Mis à jour le: 07/04/2015

Chaque semaine, des audiences à juge unique regroupent les infractions liées à la route. En points de mire : la conduite en état alcoolique et sans permis. Extraits au tribunal correctionnel de Caen, lundi après-midi.

« Le taux est considérable ! » Face à la juge, un quadragénaire, médecin urgentiste. Visiblement gêné de se trouver là. Ce prévenu est le premier de l'audience. « Il ne conduit pratiquement jamais », précise son avocat. Le 26 octobre, à 6 h 30, il n'a pas mis son clignotant pour tourner et s'est fait contrôler... avec 2,88 g d'alcool dans le sang : « Il était en instance de divorce, voyait peu ses enfants. » Pascale Viaud, la juge, et Cyrille Fournier, substitut du procureur, retiennent « l'accident de parcours ». Il ressort avec un mois de prison avec sursis. Sa condamnation ne sera pas inscrite au casier judiciaire.

Jean-Luc, le « ripeur » (éboueur), succède au médecin. Légèrement voûté, le visage marqué par des périodes de galère, cet habitant de la région de Falaise de 39 ans est peu disert. Deux affaires le concernent. Dans la première, il a continué sa route « malgré les signes des gendarmes ». Ils l'ont arrêté chez lui avec 2 g d'alcool. Moins de trois mois après, le 6 janvier, malgré un permis suspendu et presque autant d'alcool, il percute et fait tomber un poteau France Télécom.

« Vous buviez après le travail à partir de 16 h. Entre dix et quinze bières. Ça fait froid dans le dos... » Le père de trois jeunes enfants n'avait pas touché une goutte d'alcool depuis 15 ans. Les « anciens démons » ont refait surface : « J'ai eu un décès dans ma famille... » Jean-Luc a entamé une cure à l'hôpital, dès le lendemain de son accident. Déjà sanctionné professionnellement (il est passé à côté d'une promotion), il a été condamné à quatre mois de prison avec sursis et mise à l'épreuve (SME). Il ne pourra pas repasser son permis avant six mois.

« J'étais enrhumé... »

Hassen, 35 ans, sans emploi, ne comprend pas ce qu'il fait au tribunal. S'il zigzaguait dans les rues de Caen, en rentrant de boîte de nuit, en octobre, c'est parce que « j'étais enrhumé : je cherchais un mouchoir », affirme-t-il. La juge se reporte au rapport des policiers : « Yeux brillants, haleine qui sent l'alcool, élocution difficile, équilibre instable... » Il aurait en plus refusé de souffler dans l'éthylomètre. Hassen conteste : « Je n'ai pas pu, je n'arrêtais pas de tousser. Une bronchite... » Hassen a écopé de trois mois de prison, « au regard des infractions et du casier judiciaire ». Et ne pourra pas repasser son permis avant six mois.

Philippe, maçon de 23 ans, a récidivé avec de l'alcool au volant (1 g). « Son employeur est pénalisé », affirme à la défense, Me Sabrina Simao. Sur les quatre salariés de l'entreprise, seuls deux, dont le prévenu, ont le permis. Celui de Philippe est suspendu durant trois mois. Le patron doit jouer les chauffeurs. Et cela va durer : le jeune maçon étant récidiviste, son permis a automatiquement été annulé. Le tribunal a limité à un mois le délai pour se représenter aux épreuves.

Fumeur de shit contrôlé

Fabien, 29 ans, conducteur de machines, n'a pas bu, mais fumé un joint le 25 octobre. Il a été contrôlé à la suite d'un accident de moto : 15,9 nanogrammes par litre de sang... Un taux élevé équivalent à « un fumeur régulier ». Il consommait deux joints par jour depuis 5 ans, « par habitude ». Il assure avoir tout arrêté depuis. Le tribunal ne rendra sa décision qu'en avril. Pour que Fabien puisse produire des analyses de sang, preuves de son sevrage, et qu'« un jugement adapté » soit rendu. Le parquet a requis un mois et 15 jours de prison avec SME.

Un Mongol sans permis français valide ; un Caennais de 27 ans contrôlé avec 2,5 g d'alcool quelques jours après le décès de sa mère ; un agent de montage ivre contrôlé parce que la plaque d'immatriculation était défectueuse ; un sexagénaire, alcoolisé et sous médicaments, interpellé après avoir fait un malaise à vélo... Ils se succèdent à la barre, chacun et chacune avec leur histoire. 38 affaires, avec et sans prévenus, ont été évoquées lundi. La routine en somme.

Nathalie Hamon, Ouest-France