La Lituanie, paradis de la voiture d'occasion - jeudi 23 novembre 2006

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Publié le: 23/11/2006 - Mis à jour le: 14/02/2022
La Lituanie, paradis de la voiture d'occasion
La Lituanie, paradis de la voiture d'occasion

Reportage. Marijampolé, près de Kaunas, est une plaque tournante du commerce de la voiture d'occasion entre l'Ouest et pays de l'Est.

Mercredi 8 novembre, Marijampolé, Lituanie. Il y a quelque chose d'incongru à contempler toutes ces voitures immatriculées 22, 29, 44, 72, 14... sortir du parking de l'Automobiliu Turgus, l'une des quatre grandes foires automobiles de la ville.

À 40 km de la Pologne et de l'enclave russe de Kaliningrad, à 100 km de la Biélorussie, posée sur l'axe Kaliningrad-Minsk-Moscou, Marijampolé, 70 000 habitants, est une plaque tournante du commerce de voitures d'occasion entre l'Europe occidentale et les pays de l'Est.

« Chaque semaine, 8 000 voitures entrent à Marijampolé, explique Juozas Brazys, 48 ans, moustache à la Brassens, directeur de l'Automobiliu Turgus, l'un des quatre marchés de la ville. Elles proviennent à 80 % de l'Europe occidentale, dont 10 à 15 % de France. Ensuite, elles sont revendues au Kazakhstan, en Russie, Biélorussie et un peu en Ukraine, Pologne. »

Achetées 1 000, revendues 5 000 Ce jour-là, près de 2 500 véhicules emplissent les 8,5 ha du champ de foire du Turgus. Les camions ne sont pas déchargés : les acheteurs choisissent les voitures directement sur les plateaux. Ils les regardent, les ouvrent, parfois les font démarrer, puis achètent ou tournent le dos. « Nous travaillons en confiance », dit ce chauffeur.

Son semi-remorque est bourré de voitures immatriculées en France. « Nous achetons des voitures accidentées ou avec un défaut, explique-t-il. Nous les réparons ici, puis nous les revendons. Et voilà ! » L'homme éclate de rire.

À la mairie de la ville, Darius Cinaitis, 35 ans, responsable des investissements, confirme : « Les Lituaniens achètent une voiture 1 000 € en France. Ils la réparent, ici, pour 1 000 €. Puis la revendent 5 000 € aux Russes ou aux Kazakhs. » Un silence, il poursuit : « Vous savez, il y a un grand savoir-faire ici. Dix, peut-être quinze mille personnes, travaillent dans la réparation ou la vente d'automobiles à Marijampolé. C'est le poumon économique de la ville. »

Retour au Turgus. Interprète d'un jour de Juozas, Donata Cyziuté est aussi responsable du marché francophone pour Kapratas, l'une des 70 sociétés de la ville spécialisée dans le convoyage de voitures entre l'Est et l'Ouest. « Nous faisons environ 90 camions par mois sur la Belgique et la France, dit-elle de sa petite voix fluette. Pour rentabiliser le voyage, nous convoyons aussi des voitures neuves dans l'autre sens. De la Pologne et la République Tchèque vers la France et la Belgique. Nos principaux clients sont Renault, Citroën, Peugeot. »

Le trafic, les voitures volées ? Juozas se tend à cette question : « Vous savez, dit-il, cela devient difficile de passer les frontières. Toutes les voitures volées sont fichées à Interpol. » En offrant le repas, dans une cahute du marché, il insiste : « Il y a deux ans, la police a fait une descente ici : seules deux voitures sur 4 000 présentaient des problèmes ».

Pourtant, le problème existe. Les gardes-frontières polonais ont intercepté 46 véhicules de contrebande, d'une valeur globale de 375 000 €, au cours du premier semestre 2006. 62 véhicules, pour plus d'un million d'euros, pendant la même période, en 2005. Un fléau apparemment en baisse. Mais, qui - de toute façon - n'empêchera pas la ronde des camions plateaux d'Est en Ouest.

Antoine HERVÉ.