C'est officiel, Norhvolt met la clé sous la porte
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C’est une annonce qui résonne comme un séisme dans le paysage industriel européen. Northvolt, la pépite suédoise censée incarner la souveraineté technologique de l’Union en matière de batteries pour voitures électriques, va mettre la clé sous la porte. Une faillite retentissante, aux conséquences lourdes pour l’écosystème automobile, mais aussi pour la stratégie de réindustrialisation verte que Bruxelles défend.
La fin d'un projet ambitieux
Fondée en 2016 par deux anciens de Tesla, Northvolt a longtemps incarné les ambitions européennes de réindustrialisation verte. Avec plus de 15 milliards de dollars levés, des soutiens aussi puissants que Volkswagen, BMW, Siemens ou encore Goldman Sachs, et des contrats évalués à près de 55 milliards, tout semblait bien parti. À tel point que certains n’hésitaient pas à parler de la future "Airbus de la batterie".
Mais à trop vouloir grandir vite, la start-up a fini par se brûler les ailes. Multiplication de gigafactories en Europe et au Canada, difficultés à industrialiser la production à grande échelle, retards répétés, problèmes de recrutement qualifié… Résultat : des clients majeurs comme BMW ont annulé leurs commandes, et la société s’est retrouvée à sec, avec 30 millions de dollars en caisse pour faire face à une dette colossale de 5,8 milliards.
Une faillite inévitable
Le couperet est tombé : Northvolt ne pouvait plus tenir. L’usine phare de Skellefteå, en Suède, fermera définitivement ses portes d’ici fin juin 2025. Ce site, censé incarner l’avenir de la batterie européenne, n’aura jamais atteint sa pleine capacité. Et avec lui, ce sont quelque 5 000 emplois qui disparaissent, dans une région où l’entreprise représentait un pilier économique.
Les conséquences pour le marché européen
Cette faillite illustre les limites d’une stratégie industrielle fondée sur de grandes ambitions mais souvent peu ancrée dans la réalité opérationnelle. Car si les intentions étaient claires : réduire la dépendance envers les fournisseurs asiatiques et localiser la production en Europe. Les moyens techniques, humains et financiers pour y parvenir n’étaient manifestement pas réunis.
Avec la chute de Northvolt, c’est une partie de la crédibilité européenne qui vacille. Comment attirer de nouveaux investisseurs ou convaincre les constructeurs de produire sur le Vieux Continent si même les projets les mieux financés échouent à livrer ?
La désillusion des constructeurs
Volkswagen, BMW, mais aussi Stellantis et Volvo, qui avaient parié sur Northvolt pour sécuriser leurs approvisionnements en cellules lithium-ion, doivent revoir leurs plans. Certains avaient même noué des accords exclusifs, misant sur une production locale de batteries pour respecter les objectifs d’émissions et les critères du bonus écologique européen.
En filigrane, c’est toute la chaîne de valeur de l’électrique qui se retrouve fragilisée. Car une batterie, c’est bien plus qu’un composant : c’est le cœur technologique du véhicule. Sa disponibilité, sa qualité et son coût conditionnent la viabilité de l’électrification massive du parc automobile.
Quel avenir pour l’Europe des batteries ?
Ce revers invite l’Europe à une introspection. Peut-on encore croire à une filière 100 % européenne de la batterie face à la domination écrasante de la Chine et de la Corée ? Le débat est relancé. Pour certains analystes, l’échec de Northvolt ne signe pas l’abandon du projet industriel, mais exige un recentrage. Moins de gigantisme, plus de pragmatisme. Moins de dépendance aux financements privés, plus de soutien coordonné entre États membres.
D’autres pointent la nécessité de renforcer les compétences techniques locales. Une usine ne se décrète pas rentable du jour au lendemain. Elle se construit avec des ingénieurs, des techniciens, des opérateurs formés… et une vision industrielle cohérente sur la durée.
Des concurrents de taille
Pendant que Northvolt trébuche, d’autres avancent. CATL et BYD en Chine, LG et Samsung SDI en Corée du Sud, ou encore ProLogium à Taïwan n’ont pas ralenti leur cadence. Ces groupes, à la fois producteurs et développeurs de batteries de nouvelle génération, gagnent en parts de marché et en crédibilité technique.
Même aux États-Unis, des alliances stratégiques entre constructeurs et start-ups technologiques (comme GM avec SolidEnergy Systems) semblent porter leurs fruits. L’Europe, elle, devra reconstruire, apprendre de ses erreurs et probablement revoir ses ambitions à la baisse.
Une faillite qui dépasse Northvolt
Le cas Northvolt n’est pas qu’un échec industriel. C’est le révélateur d’un malaise plus large : celui d’une Europe en quête de souveraineté technologique, mais encore trop fragile pour affronter seule les géants mondiaux. L’intention politique était là, les investissements aussi. Ce qui a manqué, c’est le temps, l’expertise et une gouvernance industrielle à la hauteur des enjeux.