Les belles occases échappaient à la TVA

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Publié le: 22/06/2007 - Mis à jour le: 08/10/2019
La police judiciaire vient d'interpeller huit mandataires dans l'Ouest. En passant par des sociétés étrangères, ils facturaient des voitures de luxe à leurs clients en « effaçant » la TVA.

Il a fallu un an et demi d'enquête pour mettre au jour cette importante fraude à la TVA sur des voitures importées ! Les enquêteurs de la police judiciaire d'Angers ont interpellé, à la fin mai et début juin, une dizaine de personnes en Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Manche et Calvados, dont les dirigeants de huit sociétés de négoce ayant pignon sur rue. Ce coup de filet n'est qu'un premier pas : « Les auditions et perquisitions ont confirmé la fictivité du système qui semble toucher l'ensemble du territoire français », indique-t-on de source proche de l'enquête.

Au départ de l'affaire, plusieurs professionnels de l'importation s'inquiètent, en 2005, des prix anormalement bas pratiqués par certains mandataires automobiles. Pire : ils sont incapables de s'aligner. Saisie par le parquet, la brigade financière du SRPJ d'Angers découvre que certains mandataires font systématiquement facturer des véhicules de luxe en provenance d'Allemagne, via des sociétés espagnoles. Bizarre, bizarre...

Des dizaines d'autres réseaux

La combine est bien huilée. Le mandataire trouve un véhicule qui correspond à la demande de l'acheteur. Seule condition : il doit avoir plus de 6 mois et plus de 6 000 km pour ne pas être assujetti à la TVA en France. L'acheteur effectue un virement de la totalité du prix de vente à la société allemande qui appose sur la facture une mention erronée, la plupart du temps en espagnol : « TVA incluse ». Au passage, elle « oublie » de payer la TVA en Espagne ou en France. Mais ce qu'elle n'oublie pas, en revanche, c'est de verser une commission généreuse au mandataire français. Ensuite ? « L'acheteur obtient facilement son quitus fiscal pour l'immatriculation et au bout du compte, la TVA n'a été payée nulle part ! »

Une information judiciaire a été ouverte auprès de la Juridiction inter-régionale spécialisée de Rennes. Les enquêteurs ont pu recenser une kyrielle de sociétés écrans éphémères, toutes espagnoles, « aux mains d'hommes de paille mais le plus souvent dirigées depuis la France ». Ce n'est pas tout : bon nombre de mandataires étaient affiliés à l'association Addema, dont le président a été interpellé dans le Puy-de-Dôme. Ses adhérents pratiquaient cette « fraude triangulaire » et, cerise sur le gâteau, cette association prétendant « défendre les droits de sa profession » percevait même une redevance sur chaque voiture commercialisée !

L'enquête s'est limitée pour l'instant au Grand Ouest, pour un préjudice au niveau de la TVA de 5 millions d'euros (environ 6 000 voitures vendues), mais d'autres interpellations pourraient suivre. Car s'il est encore difficile de s'attaquer à cette « pieuvre » dont les tentacules échappent bien souvent à la justice, les enquêteurs ont pu identifier des dizaines d'autres réseaux dans l'Hexagone, portant sur un trafic de 500 millions d'euros. Pour les mandataires, la sanction peut être lourde : 10 ans de prison ferme et une amende de 10 millions d'euros.

Arnaud WAJDZIK.