Automobile : le grand chambardement

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Publié le: 02/06/2009 - Mis à jour le: 07/04/2015

General Motors nationalisé sans état d'âme par le libéral Barack Obama, Chrysler placé dans le giron de Fiat, Opel attelé à d'obscurs financiers russes, Toyota dans le rouge ! Qui aurait pu, il y a seulement deux ans, prédire ce grand chambardement ? Personne. La débâcle n'a pas livré toutes ses vérités, mais quelques lignes de sortie se dégagent.

La première est d'évidence : la casse n'est pas terminée. On peut légitimement craindre les embardées mortelles de quelques marques qui tenaient le haut du pavé il n'y a pas si longtemps. Saab et Land Rover sont au bord du précipice. Il serait étonnant que le peloton fourni des trente-neuf marques (et 300 modèles !) qui sillonnent les routes européennes reste aussi compact à l'épreuve d'une chute continue et massive du marché. Et que de nouveaux équipementiers ne payent le prix fort - notamment en termes d'emplois - de cette déroute.

La hiérarchie des constructeurs, marquée, depuis des décennies, par la suprématie américaine, est en pleine recomposition. La crise confirme et renforce le lourd déclin des leaders américains historiques, les fameux « big three » : GM, Chrysler, Ford. Malgré le pragmatisme de Barack Obama, leur faillite ponctue une chute durable qui s'était d'ailleurs enclenchée avant la crise. Dès le milieu des années 2000, bien avant le tête-à-queue généralisé des ventes mondiales, les célèbres marques américaines avaient déjà perdu le contact client, avec leurs modèles trop chers, trop gros, trop assoiffés de carburant. L'écroulement du marché et sa réorientation vers des véhicules plus petits leur ont donné le coup de grâce.

Qui sortira gagnant de cette vaste compétition inédite ? Fiat, qui est passé du statut de proie à celui de prédateur boulimique et mégalomaniaque ? Volkswagen, qui poursuit méthodiquement sa montée en puissance ? Toyota, qui demeure un vrai rouleau compresseur ? Le coréen Hyundai, l'outsider inattendu ? Le jeu reste ouvert, y compris pour les nouveaux entrants chinois, mais aussi pour Renault et PSA Peugeot-Citroën, même si ce dernier groupe souffre d'être un constructeur trop régional (européen.) Depuis vingt ans, les marques tricolores ont su faire les efforts de créativité et de productivité pour faire face à une concurrence élargie et plus agressive. Arrimée au soutien de l'État et aux primes à la casse en Europe, cette politique leur a permis, pour l'heure, de s'en tirer sans dommage majeur.

Adossés à un outil industriel efficace, à des finances plutôt saines et, surtout, à une gamme petite, jeune et « verte », les constructeurs français semblent en mesure de tirer profit d'un redémarrage des ventes. Mais sauront-ils, au-delà, nouer les bonnes alliances et, surtout, se mettre au contact des nouvelles attentes du marché ? Le mythe de l'automobile, objet de désir et de puissance, a vécu. La Logan de Renault a mis un coup d'arrêt à la fuite en avant de la technologie pour la technologie. L'avènement de la voiture propre (électrique ou pas) a sonné le glas des gros cubes chers et polluants. La priorité accordée au prix (à l'achat et à l'entretien) devient obsessionnelle.

Mieux, de plus en plus de consommateurs, surtout jeunes, se demandent à quoi ça sert d'acheter une voiture, à l'heure du covoiturage ou de la location à l'heure. Des voitures moins encombrantes et moins chères, plus propres et plus partagées, somme toute moins nombreuses dans les pays développés, telle est l'équation incontournable pour les constructeurs.

(Source : Ouest-France, Paul Burel)