Pierrick Bonnet, le Dakar au bout de l'effort - vendredi 19 janvier 2007

Actualité

Publié le: 19/01/2007 - Mis à jour le: 08/10/2019
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Épopée. Le motard caennais, un « poireau » pur jus, court son septième Dakar. Sa ténacité l'a conduit quatre fois au bout, tandis que ses galères lui font espérer un avenir meilleur.

AYOUN EL ATROUS (de notre envoyé spécial). - Chacune de ses arrivées au bivouac se fait en catimini. Personne ne l'attend. Sauf, peut-être, quelques voisins de tente, motards solitaires, comme lui. Pierrick Bonnet, déjà six Dakar au compteur dont quatre arrivées, est en bonne voie pour boucler sa 7e épopée de piste. Mais il ne veut pas en entendre parler. « Il faut éviter de se dire trop vite que Dakar est devant. C'est un truc à perdre en concentration, se perdre dans les pistes compliquées de l'Afrique Noire. C'est vrai que le plus dur est derrière nous, mais il faut conserver toute sa vigilance », prévient-il. Et puis, un accident peut si vite arriver... » Dans le genre, il a payé cher pour le savoir.

Son physique, le Caennais tire dessus au moins autant que sur sa bécane, une KTM 660 un peu maltraitée dans la dernière spéciale, la boucle Néma-Néma (entre Néma et Ayoun El Atrous, il ne s'agissait que d'une longue liaison). Comme sa jambe droite, déjà éprouvée par une grave blessure en 2006, ce qui ne l'avait pas empêché d'aller au bout : « La jambe, qui n'avait pas besoin de ça après cinq mois de convalescence, est sortie du cale-pied, a tapé dans une motte de sable et ça a un peu étiré les ligaments du genou. Avec un bon strapping, ça doit aller... » Bonnet, c'est un peu la pure incarnation des vrais héros de la grande aventure africaine. Poireau dans la grande tradition, il court avec des moyens plus que limités, se bat comme un lion pour poursuivre son rêve. Avec sa seule cantine où vêtements, duvet, outils et pièces de rechange s'empilent serré.

Comme lui, ses frères motards dépourvus d'assistance extérieure roulent beaucoup et longtemps, débarquent la plupart du temps de l'étape du jour à la nuit. Pas pour se reposer. Non. Quand les pilotes plus huppés sont déjà douchés, alimentés et déjà dans les bras de Morphée, c'est pour eux l'heure de « mécaniquer », de remettre en état la machine pour le lendemain, avant de penser à soi. Qu'est-ce qui pousse, à revenir comme ça, chaque année ? « Parfois, dans les moments les plus durs, je me demande ce que je fais là, à rouler dès 4 heures du matin dans des champs de cailloux sur des kilomètres, je me dis que c'est le dernier. Mais ce qui me motive, ce sont bien sûr les paysages, et puis ce qui se passe après Dakar. Voir les yeux des gens qui ne connaissent pas ça, croiser le regard d'un motard amateur qui a traversé les mêmes épreuves, avec lequel on n'a pas besoin de se parler pour savoir ce qu'on a vécu. »

Et retrouver sa famille. Sa femme ; sa fillette dont l'évocation lui tire un sanglot, Laurine qui, il y a deux ans, lorsqu'elle a appris brutalement la mort de Fabrizzio Meoni, a pris en plein minois la dimension de ce que fait son père ; ses fils, dont Clément, avec lequel il rêve de partager l'aventure, un jour, « quand il aura plus d'expérience à moto. C'est mon plus grand rêve. Le deuxième serait de trouver un minimum de moyens pour une assistance. Au moins une fois. » Il dispose aujourd'hui de 17 000 euros pour courir dans les conditions les plus précaires qui soient. Avec le double, il pourrait juste prendre un peu plus soin de lui.

Olivier CLERC.

Bonnet a terminé 63e de l'étape Ayoun-Kayes hier. Il est 70e du classement général.