« Le conducteur agressif, c'est toujours l'autre »

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Publié le: 05/04/2007 - Mis à jour le: 08/10/2019
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P1044_070405.jpgEntretien. C'est la 8e Journée de la courtoisie au volant. Pour le sociologue Jean-Marie Renouard, seules la peur du gendarme et la pression sociale nous font changer.

Un sondage réalisé à l'occasion de la Journée de la courtoisie au volant révèle que trois Français sur cinq considèrent que les conducteurs sont agressifs. Cela vous étonne ?

Non. Mais la quasi-totalité des automobilistes considèrent que le mauvais conducteur, c'est l'autre. Les seules personnes qui remettent vraiment en question leur conduite sont les personnes âgées, quand elles sentent leurs capacités décliner. Et alors, généralement, elles arrêtent de conduire.

Selon vous, le Code de la route est rarement considéré comme une règle absolue ?

Pour la plupart des gens, le bon conducteur n'est pas celui qui respecte le Code à la lettre, mais celui qui s'adapte à son environnement et qui interprète les règles. Parmi ces facteurs, il y a la météo, l'état de la chaussée, la circulation, la présence ou l'absence de la police. Les automobilistes exercent entre eux une pression de conformité qui fait qu'ils adaptent leur conduite à celle des autres. Si vous êtes dans un flux de voitures qui roulent au-dessus de la limite autorisée, vous serez amenés à rouler au même tempo. Sur une place parcourue par de nombreux piétons, on roule au pas même si la vitesse autorisée est supérieure.

C'est une spécificité française ?

Pas du tout. Les pays, comme l'Angleterre ou l'Allemagne où le respect formel du Code est mieux intégré, sont une exception. Paradoxalement, il y a plus de piétons blessés en Angleterre qu'en France. Parce qu'outre-Manche, le piéton comme l'automobiliste s'attendent à ce que l'autre soit parfaitement discipliné.

Seule la peur du gendarme fait évoluer notre façon de conduire ?

Les actions de prévention ne suffisent pas. La répression a été essentielle pour le port généralisé de la ceinture de sécurité (à l'avant, tout au moins) ou le respect des vitesses autorisées.

C'est la principale raison de la baisse quasi continue du nombre de morts sur les routes depuis les années 1970 ?

Non. Les véhicules sont plus sûrs, la signalisation et les infrastructures routières sont meilleures. Et les Français conduisent mieux. Au début des années 1970, on en était encore, dans bien des cas, à la première génération de conducteurs. Les réflexes, les automatismes de la conduite font maintenant partie de la « culture ».

Mais pour la courtoisie au volant, ce n'est pas gagné ?

Pour qu'il y ait évolution, il faut un très fort consensus social. La plupart des déviances routières ne sont pas réprouvées par l'entourage. Il y a peu de frein social à la réalisation d'infractions routières. Les choses ont cependant un peu évolué, concernant la conduite en état alcoolique, qui est de moins en moins considérée comme socialement acceptable.

Le ministère de l'Intérieur vient d'envoyer une lettre aux quelque 10 000 conducteurs qui ont perdu la moitié de leurs points. C'est de la prévention efficace ?

C'est une bonne chose. On a reproché avec raison à l'Administration de ne pas avertir les usagers. Cela peut avoir un effet. De nombreux conducteurs d'un certain âge redoutent d'échouer s'ils devaient repasser le permis.

Recueilli par Philippe RICHARD.

À l'occasion de la 8e Journée de la courtoisie au volant, une « charte de la bonne conduite » est diffusée à 550 000 exemplaires. Elle inclut « dix commandements », dont « Je garde mon sang-froid en toute circonstance » ou « Je suis attentif et prévenant vis-à-vis des usagers les plus exposés ».

4 703 personnes sont mortes sur les routes françaises en 2006. 102 291 personnes ont été blessées.