La menace terroriste a eu raison du Dakar

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Publié le: 07/01/2008 - Mis à jour le: 07/04/2015
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L'annulation de l'édition 2008 du rallye africain a été annoncée hier. De trop graves menaces pesaient sur les étapes mauritaniennes.

« Depuis quelques années, organiser un Dakar est compliqué. La situation géopolitique ne s'arrange pas, c'est sensible, on doit en tenir compte. » Le propos qu'Étienne Lavigne, directeur du Dakar, nous tenait il y a quelques jours, était prémonitoire.

Il a trouvé un écho définitif, avec, à la veille du départ, l'annonce à Lisbonne de l'annulation pure et simple du grand rallye africain. « J'ai une terrible nouvelle », a-t-il lâché en préambule hier, dans un grand amphithéâtre comble de la capitale portugaise, à quelques milliers de personnes, coureurs, assistances, officiels.

Tout le monde a immédiatement compris. Sans avoir à écouter la suite. Depuis 24 heures et la mise en garde très officielle du Quai d'Orsay, chacun craignait en effet ce dénouement.

Pour la première fois de son histoire, l'épreuve créée par Thierry Sabine voilà 30 ans n'aura donc pas lieu.

L'explication tient en un communiqué : « Compte tenu [...] de l'assassinat de quatre touristes français, le 24 décembre dernier, relié à une branche d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, et surtout des menaces directes lancées contre la course par des mouvances terroristes, ASO (Amaury Sport Organisation, NDLR) ne peut envisager aucune autre solution. »

Rideau. La Mauritanie, où plus de 60 % du parcours était prévu, est venue s'ajouter à la liste des pays où la sécurité n'est plus garantie.

Sur le coup, personne n'a songé à protester, comprenant l'impératif. Quelques-uns ont même applaudi Etienne Lavigne, à l'issue de sa brève intervention. Mais sitôt la stupeur passée, le temps des (mé) comptes a agité les troupes.

570 équipages sur le sable

Pour beaucoup, parmi les 570 équipages, la suppression de l'objectif de l'année constitue une catastrophe économique. « J'ai une Kalachnikov sur le ventre, a ainsi déclaré Philippe Gache. C'est un an du travail de vingt personnes en CDI fichu à la poubelle. Maintenant il faut gérer le problème avec mes partenaires, mes pilotes, ce sont des millions d'euros qui sont en jeu et complètement consommés. Pour ma PME, tout est basé sur le Dakar. Je vais passer l'année à me battre pour éviter le dépôt de bilan. »

Amertume du constructeur cannois de Buggys, qui engageait neuf voitures de course, sept voitures d'assistance, 60 personnes dans son écurie, et qui en veut à l'organisation, « elle s'est comportée comme s'il s'agissait juste de la suppression d'une rave-party ».

Bien sûr, ASO remboursera les frais d'inscription. 15 000 € par véhicule. « À peine 10 % de notre budget qui tourne autour des deux millions d'euros, renchérit le préparateur saint-lois André Dessoude, 57 salariés derrière lui et vingt véhicules sur le Dakar. Outre la prestation promise aux clients Chinois, Russes et Français qu'on ne leur apporte pas, on perd tout. Le carburant, payé d'avance, les réservations d'hôtels, la location de matériels divers... Je n'ai encore pas pu chiffrer tout cela. »

Le Manchot, qui s'appuie sur de solides sponsors, ne se bile pas encore trop. Il va néanmoins devoir, dès le retour en France, occuper les vingt mécaniciens employés dans sa structure, avant le rallye de Tunisie, en avril.

Plus philosophe, Jean-Noël Cornuaille, le préparateur privé de 4 x 4 basé au Cellier, pense à l'Afrique, « dont je suis amoureux et sur laquelle je verse une larme. Le Dakar lui a apporté beaucoup sur le plan humanitaire, et personne n'en parle de peur de voir les différentes opérations menées taxées d'alibi. C'est grave pour ce continent, où une minorité vient de gagner. On m'aurait tendu une décharge pour courir, je l'aurais signée. Par démarche militante. »

Tout cela risque d'avoir connu un point final hier. ASO a donné à tous rendez-vous en 2009, « mais comme on ne peut plus passer en Algérie, en Mauritanie, au Mali ou au Niger, je pense que c'est terminé pour l'Afrique, augure André Dessoude. Le prochain aura sûrement lieu en Amérique du Sud, tout le monde y pense très fort. »

Olivier CLERC.